Portrait de Famille
La maison de Ranst et de Berchem (soit de Ranst-Berchem) fait partie des plus anciennes et importantes familles nobles de l’ex-duché de Brabant. Eteinte dans ses différents rameaux brabançons (le dernier au XVIIIe siècle), elle subsiste par un rameau converti au protestantisme et établi depuis lors en Suisse romande.
Origines
La lignée remonte à Godefroid, seigneur de Ranst (à l’est d’Anvers), qui vécut au XIe siècle.
Godefroid de Ranst était vraisemblablement lui-même un cadet de la grande maison féodale des Berthout, une des premières du duché. Ce lien généalogique, conforme à une ancienne tradition, ne peut guère être formellement prouvé, en raison des lacunes documentaires de l’époque. Les indices de ce rattachement ne manquent pourtant pas : armes presque identiques pour les deux familles, même cri de guerre ("Berthout"), mêmes prénoms (en partie), liens de consanguinité régulièrement soulignés par les actes médiévaux, et surtout enchevêtrement des terres, fiefs et droits féodaux .
Nom(s)
Château de Berchem
(par Jakob Le Roy, vers 1670)
Dès la fin du XIIe siècle, les descendants de Godefroid de Ranst entrèrent en possession de la seigneurie de Berchem (devenue aujourd’hui un district d’Anvers). Depuis lors, la famille porta les noms de Ranst et de Berchem. Divers rameaux aînés ne s’appelèrent que Ranst, d’autres portèrent alternativement les deux noms, enfin la branche cadette opta au XIVe siècle pour le seul Berchem, nom toujours porté par les descendants actuels de la famille.
Ces derniers avaient en outre, au XVIIIe siècle, relevé le nom des anciens Berthout, en le plaçant devant leur nom de Berchem (Berthout van Berchem). Cet ajout, tardif et artificiel, reste cependant cantonné aux pièces officielles des membres de la famille et n’a trouvé aucun écho dans l’usage courant, qui s’en tient au seul nom ancestral (van Berchem).
Brabant
Les Ranst-Berchem menèrent en Brabant l'existence de seigneurs souvent importants, châtelains et chevaliers, régulièrement qualifiés de "dominus", "nobilis", "potens", voire "baenarche" (banneret, baron).
Château de Doggenhout, à Ranst
(par Jakob Le Roy, vers 1670)
Ils possédèrent, durablement ou passagèrement, de nombreuses seigneuries dans le duché et alentour : Ranst (bientôt divisée en Doggenhout et Sevenbergen), Berchem, mais aussi Boechout, Bossensteen, Boxtel, Broechem, Bruchem, Cantecroy, Crainhem, Edegem, Eethen, Endegeest, Ghinderachter, Gierle, Haere, Halen, Hautain-le-Val, Heikele, Helshout, Hove, Hovorst, Kerkwijk, Kessel, Laar, Liempde, Luithagen, Maanakker, Maesacker, Meeuwen, Millegem, Moerzeke, Mortsel, Mutselaer, Niel, Nijlen, Oostmalle, Schelle, Schilde, Selzaten, St.-Lambrechts-Woluwe, St.-Pieters-Woluwe, Stocke, Ten Broek, Ten Wouwere, Ter Linden, Ter Strypen, Tielen, Tirlemont, Tongerlo, Vremde, Vriesele, etc.
Château d’Oostmalle
(par Jakob Le Roy, vers 1670)
Château de Schilde
(par Jakob Le Roy, vers 1670)
Appartenant à l’entourage immédiat des ducs de Brabant, les Ranst-Berchem assumèrent des charges majeures du duché comme conseillers, gouverneurs, écoutètes ou burgraves. Deux d’entre eux, soit Costin II de Ranst de Berchem († 1383) et Jean IV van Ranst († 1504), portèrent le titre de margrave du pays de Ryen, exerçant la fonction éminente d'écoutète d'Anvers (voir chap. II et III). Trois membres de la lignée, Jean IV van Ranst († 1504), Henri III van Ranst († 1505) et Jean van Berchem († av.1543), devinrent chambellans et conseillers des empereurs Maximilien Ier et Charles-Quint (voir chap. III et XII), tandis qu’un autre, Arnould van Berchem († 1617) fut commandeur de la commanderie teutonique de Bekkevoort (voir chap. XI).
"La famille van Berchem"
(par Frans Floris, 1561)
On retrouve les Ranst-Berchem sur de nombreux champs de bataille, comme à Woeringen (5 juin 1288), à Baesweiler (22 août 1371) ou à Montlhéry (16 juillet 1465). Plusieurs d’entre eux commandèrent une troupe sous leur bannière (chevaliers "bannerets") et certains comptèrent au nombre des principaux généraux du Brabant. Quelques uns se croisèrent.
Les Ranst-Berchem signèrent des chartes décisives (dont la célèbre charte de Kortenberg du 27 septembre 1312), furent dépêchés en ambassade (comme Arnould IV de Ranst, envoyé en 1284 auprès du roi d'Angleterre Edouard Ier), et ils officièrent régulièrement en qualité de témoins (comme les frères Arnould II et Guillaume de Ranst de Berchem, à l’occasion du contrat de mariage, le 5 novembre 1214, entre Mathilde de Brabant et Florent de Hollande, voir chap. I et II).
Plusieurs Ranst-Berchem firent de considérables donations pieuses, voire fondèrent des couvents, tel Jean IV van Ranst († 1504, voir chap. III). Un autre membre de la famille, Jean van Berchem († av.1543), ramena un intéressant récit de son pèlerinage en Terre Sainte (voir chap. XII).
Dès le XVe siècle, les Ranst-Berchem s'intéressèrent de près aux affaires publiques de la cité d’Anvers, alors une des premières du monde. Ils y assumèrent les plus hautes fonctions dirigeantes, donnant à la cité plus d’une vingtaine d’échevins et une dizaine de bourgmestres, dont certains exercèrent une influence durable sur les affaires publiques de leur temps, comme Henri Ier van Berchem († 1581, voir chap. XI).
Marie-Louise de Tassis (1611-1638)
femme d’Henri van Berchem (1611-1673)
(par Antoine van Dyck, vers 1630)
Durant la période brabançonne de leur histoire, les Ranst-Berchem s’allièrent à de nombreuses autres maisons nobles et familles importantes de la région : Aa, Arschot, Assche, Bouchout, Brant, Crainhem, Cruiningen, Diest, Dilft, Duffel, Eechove, Enckevoort, Enghien, Fourneau, Gavre, Gymnich, Haeften, Halmale, Hamal, Haveskerke, Herbais, Hermite, Hinckaert, Hinnisdaël, Hoevorst, Hornes, Immerseel, Liedekerke, Lier, List, Meeus, Ophem, Pape, Perez, Perrenot de Granvelle, Rovelasca, Rumigny, Ruyven, Serclaes, Spangen, Tassis, Varick, Voorhout, Werve, Wesemaele, Witthem, Wyneghem, Zwijndrecht, etc. Quant à Costin van Ranst († 1396/98), il épousa une fille naturelle mais légitimée du duc Jean III de Brabant (voir chap. III).
Toutes les branches familiales demeurées en Brabant s’éteignirent cependant l’une après l’autre, la dernière au début du XVIIIe siècle, de sorte qu’il ne reste plus actuellement ni de Ranst ni de Berchem en Belgique ou dans les Pays-Bas (et les familles portant encore l’un ou l’autre de ces noms sont sans lien avec les Ranst-Berchem).
Bâle, Brême, Genève
David Joris (~1550-1556)
(par R. de Hooghe, vers 1700)
Georges von Berchem (1639-1701)
La seule branche familiale subsistant aujourd’hui provient de Jean van Berchem († 1542) et quitta le Brabant au XVIe siècle pour cause de religion (voir chap. VI). C’est ainsi que son fils Joachim van Berchem (v.1520-1574) s’établit à Bâle, aux côtés du fameux chef anabaptiste
David Joris, dont il avait épousé la fille. Leurs descendants s’installèrent ensuite dans la ville hanséatique de Brême, où plusieurs d’entre eux occupèrent de hautes charges publiques : divers échevins, des sénateurs et un bourgmestre de la cité, Conrad von Berchem (1658-1720, voir chap. VII). Quant à Georges von Berchem (1639-1701), il accomplit une remarquable carrière en Prusse, où il devint un des plus proches ministres du roi (voir chap. VII).
La famille s’éteignit toutefois à Brême au XVIIIe siècle, tandis que Jacob van Berchem (1664-1744) s'en éloignait pour effectuer un brillant parcours militaire, qui le vit finalement accéder au grade de général-major, commandant de l’infanterie des Pays-Bas (voir chap. VIII).
Son petit-fils Jacob van Berchem (1736-1794) épousa une Vaudoise, si bien que sa postérité s’installa en Suisse romande et particulièrement à Genève (voir chap. IX). La famille, toujours florissante de nos jours, y acquit par mariages des propriétés considérables et donna des militaires de haut rang, dont William van Berchem (1831-1870), plusieurs philanthropes, comme Renée de Benoit-van Berchem (1892-1919), divers banquiers, ainsi que des savants de réputation internationale, comme Max van Berchem (1863-1921), Victor van Berchem (1864-1938) et Denis van Berchem (1908-1994, voir chap. X).
Depuis son établissement en Suisse romande, la famille s’allia à diverses familles patriciennes ou notables de la région : Illens, Polier, Trembley, Bazin, Saladin, Gautier, Sarasin, Necker, Frossard de Saugy, Naville, Hentsch, Benoit, Jéquier, Micheli, Mirabaud, Loriol, Galissard de Marignac, Pictet, Koechlin, Martin (de Tulette), Chauvet, Barbey, Rham, etc.